Très Vénérable,
Permettez-moi de dire quelques mots en préambule à la planche que j’ai l'honneur de vous présenter ce soir.
Cette planche, dans sa première mouture, a été lue en loge le 08.03.90. C'est dire, s’il s'agit d'un vieux travail - mon premier travail en fait en dehors de celui d’apprendre le rituel par cœur - puisque, initié le 21.01.89. Je n'étais donc que très jeune Compagnon.
Conformément à ce rite dans lequel j’étais né en F.M, il ne m'avait été demandé par personne, la rédaction de planches étant « tolérée » et, la lecture n’étant pas rituelle, s’était faite après mise en récréation de la loge.
Cette passion qui est la mienne pour ces étoiles qui nous dominent, nous éclairent, nous interrogent, était ancienne et j'avais aimé, lorsque la Lumière m'avait été donnée, les retrouver comme constituant du toit du Temple ce qui me rassurait. C'est pour ces raisons, que j'avais proposé à mon V.M de l'époque, d'écrire ces quelques mots.
La planche de ce soir, comme toutes celles que j'ai écrites à ce jour, ne se veut donc nullement didactique, exhaustive, scolaire, livresque, que sais-je encore... Elle est le reflet de quelques réflexions personnelles que j'ai envie de partager avec les F.F de notre loge.
Je vous parlerai donc de la Voûte Etoilée, celle qui délimite la grande loge universelle à son zénith, tout comme le pavé mosaïque est sa limite au nadir, témoignant ainsi de l'immensité et de l'universalité de la F.M régulière et pouvant symboliser, par la dispersion et l'alternance plus ou moins ordonnée de leurs différents composants, les aléas bons ou mauvais qui ne manquent pas d'émailler notre vie terrestre.
C'est donc avec un grand plaisir que je vais vous soumettre ce modeste travail dans sa forme quasi-première et dans lequel je n'ai fait que développer un peu le passage concernant COMPOSTELLE pour les raisons que vous devinez aisément (ce travail avait été lu dans la R.L Ultréia, qui tire son nom du mot d’encouragement des pèlerins pour aller plus loin) et ajouter quelques réflexions.
A vous tous, je demande donc toute votre indulgence et toute votre tolérance qu'il sied à un travail en grande partie de compagnon.
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La Voûte Étoilée
Quand la Lumière me fût donnée au cours de la cérémonie de mon Initiation, mon attention fût retenue – entre-autre - par le sombre plafond constellé de la Loge dont je n'avais très certainement pas compris la signification profonde - mais en sais-je vraiment beaucoup plus aujourd'hui ? Toutefois, sa présence avait - pour moi qui aime tant à contempler la beauté naturelle et le calme de la profondeur infinie du ciel, une nuit d'été - quelque chose de familier qui était fait pour me rassurer.
En essayant de réfléchir sur cette voûte étoilée qui, par son immensité, m'a fait si souvent rêver, j'ai eu, certainement, une occasion nouvelle de l'approcher plus près, sous l'angle différent certes de la symbolique, mais qui me permettrait également de mieux la comprendre tant les intrications sont serrées.
La Genèse dans ses versets 14 à 18 de son premier Chapitre, indique que la Lumière "est" depuis le commencement du Monde puisqu'elle fût la première des créations de Dieu et je cite
Puis Dieu dit : qu'il y ait des luminaires dans l'étendue des Cieux, pour séparer la nuit d'avec le jour et qui servent de signes, et pour les saisons, et pour les jours et pour les années
Et qui soient pour luminaires dans l'étendue des Cieux afin de luire sur la terre ; et ainsi fût.
Dieu fit donc deux grands luminaires ; le plus grand luminaire pour dominer sur le jour et le moindre pour dominer sur la nuit ; il fit aussi les étoiles
Et Dieu les mit dans l'étendue des cieux, pour luire sur la Terre
Et pour dominer sur le jour et sur la nuit et pour séparer la lumière d'avec les ténèbres ; et Dieu vit que cela était bon.
En l’espace d’un temps infiniment petit, le Big Bang a tout crée. Cet « accident » - mais en est-ce un ? a été le point de départ d’une dilation qui ne cesse de se poursuivre encore aujourd’hui est qui est à l’origine de tout ce que nous voyons et surtout, de ce que nous ne voyons pas
Les limites de notre Temple sont très chargées symboliquement, puisqu'il est une "re-création" du Monde à l'échelle de l'Homme. Il est donc logique que cette voûte étoilée en délimite sa partie supérieure - comme l'Orient, l'Occident, le Midi et le Septentrion en sont ses côtés et le Nadir son sol. Elle est donc en lieu et place de notre toit et de ce fait elle devient tout naturellement notre protectrice supérieure.
Il est tentant, comme il est fait souvent, de lier le mot « temple » au grec ancien τέμενος (témenos) qui est un champ ou un bois sacré, un enclos réservé aux chefs – ce mot étant issu du verbe τέμνω (témno) qui veut dire « couper ». De même il est tentant de faire de templum la coupure entre le profane et le sacré. Une autre origine possible en ferait un mot pouvant être issu l’indo-européen commun temp que l’on peut traduire par « étendre, étendue, d’où la notion d’espace ». Templum peut également être relié à contemplor ce qui signifie « regarder l’espace, le ciel en vue d’un présage, contempler », qui a très tôt pris un sens religieux. De fait le "templum" désignait un espace sacré et découvert d'où il était possible d'observer l'horizon dans toutes les directions et de là, contempler le Ciel et méditer sur notre condition humaine.
De temps immémoriaux en effet, l'Homme a placé son Créateur - qu'il l’ait appelé Râ, Zeus, Jupiter ou Notre Père, celui qui est aux Cieux, que sais-je encore, cette liste n'étant pas, bien évidemment, limitative - tout là haut, au firmament, dans cette voûte céleste dans laquelle sont plantées, comme épinglées pour toujours, des étoiles en nombre incommensurable. On parle de milliards de milliards d’astres célestes.
En y plaçant notre Dieu Créateur, quelle meilleure protection l'Homme pouvait-il souhaiter avoir de plus ?
C'est très certainement cette notion d'infini qui a frappé l'imaginaire collectif - et tout au moins le mien - et qui a contribué à cette attirance que nous avons tous plus ou moins et qui nous fait tourner nos regards vers ce ciel pour y chercher auprès de Dieu, une aide efficace dans toutes nos entreprises avouables mais aussi consolation et protection lors des périodes difficiles qu'il nous arrive de traverser dans notre vie comme cela nous est recommandé dans l'Exhortation du premier grade du rite Émulation.
Aussi pouvons-nous nous interroger pour chercher à comprendre pourquoi, de temps immémoriaux, l'homme s'est-il efforcé d'essayer de regarder toujours plus loin dans cet infini supérieur, sans limite pour l’esprit de notre petite personne, bien qu’encore limité pour nos instruments d’optique.
Les progrès de la Science font qu'à ce jour notre "vue" perce, à l'aide d'instruments de plus en plus sophistiqués, à près de quinze milliards d'années lumière et malgré tout l'on cherche toujours à en construire d'autres de plus en plus performants pour aller encore et toujours plus loin. Mais jusqu’où ? Le mur de Planck contre lequel notre physique bute encore, sera-t-il franchi un jour ?
Ne serait-ce pas que, dans cette quête, nous cherchons, consciemment ou non, que l'on croit ou non en un Grand Architecte de l'Univers d'ailleurs, à rattraper notre Création et le Big-bang et même peut-être à le dépasser, pour connaître l'avant qui est derrière l'explosion originelle qui a donné la vie, ce qui nous permettrait - peut être - de savoir d'où nous venons et pourquoi pas, par Qui avons-nous été conçus ?
Mais, cet espace qui est donc d'une profondeur sans limite ou presque - en tout état de cause ses limites dépassent de beaucoup l'imaginatif humain, cet espace donc apparaît pourtant à nos yeux, dans la réalité et encore plus dans notre Temple, d'une platitude étonnante.
Cette notion de relief qui disparaît de notre vue, nous donne une certaine idée d'Egalité : lorsque l'on regarde le ciel, les étoiles se touchent ou presque. Quelle que soient leurs tailles réelles, à l’œil nu, elles apparaissent de grandeurs quasi égales et d'éclat peu différent les unes des autres. Rien ou presque ne différencie plus là-bas, l'infiniment grand de l'infiniment petit. Et pourtant quelle différence entre le quark, poussière d'électron et l'Univers dans son immensité sans fin – ou presque, le terme de fin étant conçu dans son acception de longueur - et qui continue de se dilater. Quel vertige nous saisit alors en essayant d'imaginer le gouffre qui les sépare. Cela relativise, oh combien ! les petits problèmes des petites vies de nos petites personnes.
Il est par ailleurs curieux de constater que cet espace infini ne nous apparaît clairement dans toute sa splendeur que dans le noir profond de la nuit, à l'heure qui n'est plus au travail matériel terrestre, et non en pleine lumière. Bien sûr, il existe une explication tout à fait scientifique à cela, mais ne pourrait-on pas y voir également le symbole qu'une vérité peut également surgir des ténèbres les plus épaisses alors que la pleine lumière peut nous la cacher en nous éblouissant.
Et plus la profondeur des ténèbres s'accroît, mieux nous pouvons distinguer d'astres et plus ils nous paraissent nombreux. Mais pour cela il faut savoir attendre, patienter et prendre tout son temps pour les rechercher là où l'on n'avait pas pensé trouver. Cela aussi est une grande leçon d'humilité. Combien de qualités sont-elles ainsi cachées chez l'autre que nous ne voyons pas. Peut-être par négligence ? Peut-être par manque de temps ? Peut-être pas égoïsme ?
L'observation des étoiles nous permet d'assister à un ballet extrêmement bien réglé, témoignant d'une régularité parfaite que nos plus grands savants ont réussi à expliquer par des équations tellement compliquées que l'on ne peut imaginer que cela ne peut relever que de la main d'un architecte autre que supérieurement doué.
Ces étoiles ont pu seules dans les temps anciens, servir de guide aux grands voyageurs à la surface de la terre, puis sur les mers. Les Normands, grands navigateurs s'en servaient il y a des millénaires. Mais également, maintenant, nos satellites artificiels habités ou non.
Plus symboliquement, n'est-ce pas l'une d'entre elles qui a guidé les Rois Mages jusqu'à la grotte de Bethléem il y a un peu plus de 2000 ans ?
Et j’aimerais dire un mot sur ST JACQUES de COMPOSTELLE. Même si ce nom garde, à bien des égards, des mystères quant à son étymologie, puisque plusieurs possibilités sont proposées, une des plus plausibles, car liée au légendaire primitif, serait campus stellæ qui signifie le champ de l'étoile, la voie lactée qui du ciel de FRANCE nous dirige vers un lieu bien précis marqué d'en haut. De fait tous les chemins de COMPOSTELLE allant de la mer du Nord au Perron de Saint Jacques, paraissent être la projection au sol de ce chemin d'étoiles et constituent une voie initiatique unique. De même la voûte étoilée nous conduit-elle de l’occident vers l’orient.
Une enluminure du 15ème siècle contenue dans les Grandes Chroniques de Saint-Denis nous montre un saint portant une escarcelle frappée d'une coquille - qui prit le nom de "coquille Saint Jacques" - et qui apparaît à CHARLEMAGNE, lui enjoignant de délivrer la VOIE, en suivant la voie lactée qui recouvre le ciel et trace la route qui conduit jusqu'à ST JACQUES de COMPOSTELLE.
On peut aussi laisser errer notre imaginatif et rêver. Ces étoiles, ne seraient-elles pas un peu les yeux de notre Créateur qui observerait nos actions tout au long de notre vie ?
Et, pour certaines, il est évident qu'elles sont nos mères : en effet si l'univers est vieux d’un peu moins de 15 milliards d'années, ce qui est communément admis à l'heure actuelle, notre système solaire n'est vieux que d'à peine 5 milliards d'années. Il est né de l'agglomération de poussières d'étoiles bien plus anciennes qui ont essaimé leur matière lors de leur déflagration en supernovas qui a présidé à la mort de celles-ci. Nos molécules, ou tout au moins nos atomes, voire nos particules infra-atomiques, existaient donc avant que notre Terre ne soit. Aussi pourrions-nous voir en elles notre double cosmique.
Elles ont pu, pour certains, être également considérées comme
. les âmes de nos ancêtres défunts qui errent dans l'infini spatial tout en continuant à veiller sur nous du plus loin qu'ils se trouvent,
. voire comme des anges qui descendraient et monteraient le long de l'échelle de Jacob, échelle que l'on retrouve sous d'autres noms dans nombres de croyances : échelle du Ciel empruntée par Amaterasu rapportée dans le Shinto ou celle par laquelle Bouddha descendit du mont Meru.
En cherchant cette relation entre la Terre et le Ciel, en essayant de communiquer avec l'En-haut, l'Homme a voulu tenter de diminuer ses angoisses créées par notre triple recherche du qui suis-je ? d'où viens-je ? et où vais-je ? Cela perdure encore actuellement.
Ce besoin de communication Ciel - Terre, nous le retrouvons un peu dans le fil à plomb qui est appendu à la voûte étoilée, au centre de certaines de nos Loges travaillant à d'autres rites que le nôtre. Il est conçu comme l'intermédiaire entre nos petites personnes et l'infini et Dieu qui l'emplit.
Aussi nous rassure-t-il, nous indiquant que, peut-être, ce cordon ombilical qui pourrait symboliser le lien qui nous réunit au Créateur, n'est pas totalement et définitivement coupé à jamais. Il reste notre antenne réceptrice mais également notre émetteur en direction de cet infini où il fait entendre les cris de nos plus profondes angoisses.
Ces étoiles peuvent aussi symboliser l'ensemble de nos connaissances qui sont devenues avec le développement de la science, plus qu'innombrables. Mais il ne faut pas oublier que c'est une vacuité extrême qui entoure les étoiles et qui, de fait, emplit l'univers de néant dans sa quasi-totalité. Peut-être est-ce de la matière noire, encore hypothétique car non détectable, mais qui est soupçonnée par nos têtes chercheuses.
Tout cela doit nous ramener à une plus juste estimation de ces dites connaissances. La vérité d'hier n'est pas celle d'aujourd'hui et encore moins celle de demain, mais qui ne sera jamais - peut-être - la Vérité avec un grand V qui, elle, est d'ailleurs, de tout là-haut.
C'est pourquoi nous pouvons nous demander si, à l'image ce vide intersidéral qui ne sera - peut-être - jamais totalement comblé, nous pourrons quant à nous, venir à bout de l'immensité de nos lacunes : cela est fort douteux et cette Vérité avec un grand V, la seule, nous ne la trouverons certainement pas dans ce monde terrestre et matériel mais dans l'Au-delà, là où demeure et règne le Grand Architecte de l'Univers. Existe-t-il ? D’aucun y croît, d’autres doutent, d’autres enfin le nient. C’est un long débat dans lequel je ne me hasarderai pas. Simplement j’ai noté :
. qu’Einstein, sur la fin de sa vie, avait reconnu qu’il ne pouvait pas ne pas exister un Être Créateur pour arriver à la perfection de cet univers, mais sans en donner l’identité,
. et que Stephen Hawking, qui a consacré sa vie entière à essayer de comprendre les mécanismes de la création de l’univers et de son évolution, dans son livre post-mortem « Brèves réponses à de grandes questions » tout en niant, dans un premier temps, son existence dans le chapitre « Dieu existe-t-il », faisait référence dans presque tous les autres chapitres, à ce que j’ai pu comprendre, comme étant un principe créateur.
Alors de quelle meilleure couverture donc pouvions-nous rêver au-dessus de nos têtes lors de nos tenues ? Quelle meilleure protection que celle de la demeure de l'Eternel d'où beaucoup de signes nous permettent de croire, ou nous laissent à penser, que nous en venons et que nous y retournerons à jamais pour veiller à notre tour, sur nos Frères et nos Sœurs à venir.
Voilà, Très Vénérable, les quelques réflexions que m'ont inspiré cette voûte étoilée.
Mais je n'aimerais pas terminer sans une touche de poésie en citant la dernière strophe de "Booz endormi" de Victor Hugo
".....................................et Ruth se demandait,
Immobile, ouvrant l'œil à moitié sous ses voiles
Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été
Avait, en s'en allant, négligemment jeté
Cette faucille d'or dans le champ des étoiles."
T.V.F. J-Paul B.
R.L. Michel de l'Hospital, le 16.03.2019
818ème article
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Indispensable
pour bien connaître les usages et les fondamentaux du rite français