A la gloire du Grand Architecte de l’Univers
Très vénérable, et vous tous mes bien aimés Frères,
La notion d'harmonie semble concerner toutes choses, de l'ordre du ciel au moindre objet décoratif. Il n'est pas un art, pas un savoir, de la médecine à l'astronomie, de l'architecture à la musique, sans oublier bien sûr la théologie, qui n'y fasse référence. Le monde profane aime cette notion d’harmonie : on parle de l’harmonie du chant des oiseaux, de l’harmonie d’un vers en poésie ou de l’harmonie de couleurs à propos d'un tableau, de vêtements ou d'un décor.
Dans un système harmonique, deux notions, deux valeurs contraires se réunissent et agissent ensemble d'une façon harmonieuse : l'harmonie est l'unité des contraires. Dans la mythologie grecque, on trouve un personnage important la déesse Harmonie ; elle est la fille d'Arès (dieu de la guerre) et d'Aphrodite (déesse de l'Amour). Elle est le symbole de deux sentiments incompatibles : l'Amour et la Haine.
Dans la nature humaine, l’harmonie ne peut donc exister sans conflits. Le désordre n’est-il pas l’antonyme du mot harmonie ?Dans la mythologie égyptienne, MAAT était la déesse de l'ordre, de l'équilibre du monde, de l'équité, de la paix, et de la vérité. Elle était l'antithèse de l'ISFET : le chaos, le désordre, le mal, le dévoiement, l'injustice.
Pour les initiés que nous sommes, atteindre l'équilibre, vivre dans l'harmonie, c'est tout simplement le but ultime de la construction du Temple idéal, quand les 3 lumières Sagesse, Force et Beauté s'unissent en un seul principe, quand le Un devient le Tout.
La Beauté, accomplissement de l’harmonie, n’est pleinement réalisée qu’en unissant la Sagesse qui mesure, conçoit et invente, à la Force qui exécute, crée, réalise. Le Franc-maçon accède à la sagesse et au spirituel, quand toutes les passions sont vaincues, que les voyages sont terminés et que son regard se tourne vers la Lumière, et qu'il est cette Lumière.
Notre engagement maçonnique doit nous aider à atteindre une certaine harmonie personnelle. La connaissance nous est nécessaire pour trouver notre chemin tout au cours de notre existence. Nous sommes comparables à celui qui se lève la nuit dans le noir, et qui a besoin de repères. La connaissance s’acquière dans les domaines du Visuel, de l’Auditif et du Ressenti, que ce dernier soit tactile ou du domaine de l’émotionnel.
« Sans émotions, il est impossible de transformer les ténèbres en lumière et l’apathie en mouvement » écrivait Carl Gustav Jung, psychiatre, maçon et selon la rumeur fils de Goethe.
Lumière, Musique, Mouvement : l’harmonie ne règne en loge que si ces trois composantes sont bien réglées.
1° LA LUMIERE :
Unité des contraires, l’harmonie ne peut exister sans conflits. Le conflit entre la Lumière et les Ténèbres a toujours constitué un symbole universel. Symboliquement, la Lumière se définit par rapport à trois formes de ténèbres :
1. L’abîme
2. L’obscurité
3. L’ombre
La Lumière s’oppose tout d’abord à l’abîme dans une symbolique de la création. Du sein d’un abîme préalable « le Chaos », sans fond sans forme, va brusquement émerger l’ordre. Du conflit entre la lumière et les ténèbres, va ainsi naître le cosmos. De ce cosmos découle l’une des oppositions fondamentales : l’avant et l’après.
Mes Frères, retrouvons en loge cette symbolique à chaque ouverture de nos travaux. L’allumage des feux symbolise le passage entre l’avant (nous quittons la vie profane) pour entrer dans cet après (ce qui se passe en loge). Il est important que l’entrée du V.M. se fasse avec un minimum de lumière. En loge tout comme dans l’abîme de l’âme, seule brille l’étoile. Le symbolisme nous rappelle que cette lumière salvatrice a une mission : celle de nous guider.
La lumière artificielle gérée par le maître des Cérémonies ne doit apparaître qu’à l’allumage des feux, symbolisant ainsi la genèse de la Vie, et par là même l’émergence de l’Ordre. Alors seulement, le V.M. peut prononcer ces paroles : « Debout et à l’ordre, mes Frères ».
Le conflit de la Lumière avec la deuxième forme de ténèbres l’obscurité doit structurer notre symbolique de la connaissance. Si l’aurore symbolise la sortie de la nuit de l’inconscient, c’est en plein midi qu’a lieu la délivrance de la non connaissance. Pour le connaissant, il est toujours midi. « À quelle heure commencent nos travaux ? À midi vénérable maître ».
Ce nycthémère* pousse le maçon à devenir nyctalope*. Nos travaux doivent s’appuyer sur des variations harmonieuses entre obscurité et clarté. Plus claire est la lumière, plus sombre est l’obscurité. « Il est impossible d’apprécier correctement la Lumière sans connaître les Ténèbres » disait Jean-Paul Sartre.
Cette alternance entre nuit et jour, nous la retrouvons entre les lumières croissantes et décroissantes des solstices d’hiver et solstices d’été (nos deux Saint Jean). Elle symbolise le cycle (mort – renaissance), le chemin du retour de l’âme vers la lumière, et donc par déduction symbolique : la purification. Le déroulement de nos tenues doit intégrer ce jeu de lumières, qui participe à l’harmonie de la loge et facilite l’égrégore, notamment au cours de la chaîne d’unions.
Le troisième conflit est celui qui oppose la lumière à l’ombre. Par cette opposition, la lumière symbolise une transformation de la réalité : tout ce qui existe, est transformé par le regard de l’homme. Ce conflit avec l’ombre repose sur un des paradoxes de la lumière : cette dernière crée de l’asymétrie entre le sujet et son ombre. Excepté dans une bande dessinée bien connue, le sujet est toujours en retard sur son ombre. « Il n’est que l’ombre de lui-même », dit-on dans le monde profane.
La lumière engendre et dissipe ses propres ombres. Elle permet aux formes d’apparaître, et gère à sa guise leur disparition. Plus il se fait tard, plus l’ombre est grande. Quand le soleil décline à l'horizon, le moindre arbuste fait une grande ombre. Ceux qui se vantent de la grandeur de leur ombre s'illusionnent sur l'essence de leur vie.
C’est le soleil qui crée les ombres. Le soleil est-ce l'ombre du Grand Architecte de l’Univers ? Ou bien le Créateur est-il une ombre projetée par notre âme, dont la grandeur varie en fonction de notre possession de la Lumière ? « Soudain, une lumière comme un feu jaillissant, surgira de l’âme » a écrit Platon. Mais, plus on s'approche de la lumière, plus on identifie d’ombres. De même que l'ombre n’existe pas sans la lumière, le mal ne peut exister sans le bien.
Comme le Soleil, la Lune est en conflit avec les ténèbres. Elle apporte un petit peu de lumière, mais elle ne crée jamais d’ombre. L’ombre de la mort donne du relief à la vie. Le mystère de notre propre existence est vécu par certains avec angoisse, par d’autres avec un faux détachement. Mais il existe une troisième voie, celle de vivre ce mystère en parfaite harmonie avec nous même, nos Frères, notre Loge. Nous devons nous réjouir d’exister, affronter nos souffrances comme l’expression harmonieuse de joies ultérieures, vivre avec passion tout ce que le Grand Architecte de l’Univers a placé sur notre chemin.
Ce chemin de la sortie de la nuit, nous le retrouvons, mes Frères, au travers des jeux de lumière que le Maître d’Harmonie essaie modestement de symboliser à chacune de nos tenues. La lumière doit être pour chacun d’entre nous illumination, retour à notre propre raison d’exister, optimisme face à l’Orient Eternel. Luc Ferry nous explique que l'harmonie est cette sagesse de comprendre notre mortalité et de faire régner dans notre monde l'harmonie entre les hommes.
2° LA MUSIQUE
L'harmonie, dérivée du grec « armonia » signifie « ajustement ». Elle revêt différentes significations dont une des plus répandue est « la science des accords ». Jadis le mot harmonie était parfois même employé comme un simple synonyme du mot accord.
La musique en loge doit donc être symboliquement ressentie comme génératrice d’accords entre les Frères. L’égrégore ne commence-t-il pas ici même ?
L’harmonie est une des composantes de la musique, tout comme la mélodie. Elle relève de l'utilisation délibérée de fréquences simultanées, dans la perspective d'apporter relief et profondeur au jeu instrumental . Elle représente l'aspect vertical de la musique, tandis que la mélodie en représente l'aspect horizontal.
L'harmonie semble indissociable de la musique classique occidentale et de ses traditionnelles échelles heptatoniques (dont la gamme contient 7 degrés). Concernant les musiques non occidentales qui utilisent des échelles différentes, on ne parlera pas d’harmonie mais plutôt « d'hétérophonie ». Les ressources de l'harmonie classique ont également été adoptées par le jazz, et les musiques populaires plus ou moins apparentées à ce genre musical : blues, rock… Cette musique s'arrête généralement à l'étude des accords de cinq notes. La notion d'harmonie est donc liée à une éducation de l'oreille.
La musique des Grecs anciens apparaît fortement inspirée de la pensée pythagoricienne. Le respect des rapports mathématiques qui « régissent l'univers » induit que la musique peut-être source de sagesse, de force et de beauté. Pythagore avait remarqué que la hauteur du son est inversement proportionnelle à la longueur de la corde. Il avait défini les rapports harmoniques comme des rapports de longueur — ou des rapports de fréquence.
Ce n'est qu'au Moyen Âge que nait la notation musicale. Fixer la musique sur le papier entraînera l'invention du solfège. La beauté de musique n’échappe donc ni à la géométrie, ni à l’ordre.
L'harmonie classique s’est développée à partir du XVIIe siècle. La musique maçonnique, quant à elle a été orientée par DESAGULIER et ANDERSEN lors de leur constitution de 1723. On ignore souvent que celle-ci s'accompagnait de chants maçonniques, transmis seulement oralement, ce qui explique qu’il en existe peu de traces.
La colonne d'harmonie était composée de Frères musiciens ou chanteurs sous la direction d'un officier qui portait le titre d’ "Architecte d'harmonie". Cette colonne d'harmonie a pris de plus en plus d'ampleur. En France et en Angleterre, dès le milieu du 18me siècle, se sont constitués de véritables orchestres qui animaient les travaux en loges mais donnaient aussi des concerts sur les parvis avec admission des profanes. Ceci permettait de recueillir des fonds pour l'activité philanthropique des loges. Il n'était pas rare d'y rencontrer la reine Marie-Antoinette et les princes du sang, certains de ces concerts ont même été donnés au palais des Tuileries. Cette activité se prolongea mais cessa dès 1789 à la Révolution française.
Pendant toute cette période de grands musiciens maçons ont apporté leur pierre à l’harmonie musicale. Rameau est imprégné de l'art royal et du symbolisme maçonnique à caractère cosmique. L'une de ses œuvres "Zoroastre" a pour thème la lutte entre le génie du mal : l'oppression, et celui du bien : la liberté, qui sort vainqueur. Ce thème, basé sur l’unité des contraires, a été repris par un autre architecte d’harmonie Mozart sous le nom de « Sarastro» le Grand Maître. Mozart est souvent considéré comme le musicien par excellence de la maçonnerie, avec toujours un plus profond respect du rituel. La Flûte enchantée a un caractère tellement maçonnique que, comme le relevait Goethe, lui-même franc-maçon, elle ne peut véritablement être comprise que par les initiés.
Haydn subit l’influence de Mozart. C'est du reste sur l'instance de ce dernier qu'il fut initié. Une œuvre de Haydn montre un caractère spécifiquement maçonnique : l'oratorio "La Création". Cette œuvre, inspirée des textes de St-Jean, s'apparente aux notions maçonniques que nous avons déjà considérées, soit tout d'abord la description du chaos originel, puis l'organisation des éléments cosmiques et enfin l'harmonie et la lumière.
Il ne faut pas oublier Beethoven dont le Fidelio reflète le mieux l'esprit maçonnique. Hymne à la liberté et à la fraternité humaine, c'est aussi la lutte entre l'Ombre symbolique du cachot et la lumière redécouverte. Une partie de l’œuvre de WAGNER est aussi d’inspiration maçonnique. Sous le couvert de la fameuse légende du Graal, dans « Parcifal » on assiste en fait à l'initiation du héros qui, entouré de ses Frères Chevaliers, subit toutes les épreuves des voyages initiatiques et en sort victorieux.
Haydn, Beethoven, Wagner dans la plupart de leurs musiques on trouve cette unité des contraires qui tend à prouver que l’harmonie ne peut exister sans conflits. Pour le maçon, cette opposition sonore se révèle lors du second voyage de notre initiation. Souvenons-nous du tintamarre du premier voyage pendant lequel on fait jouer la grêle, le tonnerre, et du bruit presque mélodieux du second voyage du au cliquetis léger des glaives. Prenons conscience, mes Frères, du rôle important que joue le Maître d’harmonie lors de nos tenues. Par le choix de ses musiques, il peut tout aussi bien, nuire à l’harmonie de la Loge ou alors être le principal artisan de la création de l’égrégore que nous recherchons, égrégore qui doit être nourri d’énergie faute de quoi il disparaîtrait aussi vite qu'il est apparu.
3° LE MOUVEMENT
Dans cette réflexion sur l’harmonie, la notion de mouvement recouvrera aussi bien les déplacements en loge que les gestes dictés par notre rituel.
Notre symbolisme met en exergue un conflit entre les images ascensionnelles de l’air, du vent et celles de la pesanteur de la terre. Dans la plupart des cosmogonies, on trouve cette croisée horizontale et verticale du ciel et de la terre.
L’harmonie représente l'aspect vertical de la musique, tandis que la mélodie en représente l'aspect horizontal. Chacun de nos gestes témoigne également de notre compréhension de la vérité. Notre connaissance se reflète dans l’aptitude que nous avons à rendre harmonieux nos déplacements, nos gestes en loge. Lorsque nous saluons le Vénérable, notre gestuelle doit passer de l’horizontalité à la verticalité. En observant le geste maladroit de certains frères nouvellement initiés, n’avons-nous jamais pensé que leur salut n’était pas en harmonie avec celui de l’ensemble des frères. Cette discordance ne reflète en fait qu’un état émotionnel, qui influence leurs gestes.
Prenons conscience que ce phénomène fonctionne aussi à l’inverse, c’est-à-dire que si nous faisons l’effort d’harmoniser nos gestes, nos mouvements, nos actes, alors cette harmonie se reflétera dans notre état émotionnel. Mes Frères, lorsque vous êtes dans une atmosphère de stress, de bruit et de désordre, que cette atmosphère créé en vous un sentiment de conflit intérieur, dîtes-vous : "Par ma volonté, en influençant mes gestes, en contrôlant mes mouvements, en exécutant certains actes, je dois pouvoir retrouver mon harmonie intérieure."
L’harmonie du mouvement est employée dans les arts martiaux, dont la finalité est pour les profanes : le combat. Opposition entre une gestuelle harmonieuse et une volonté de combattre un adversaire, ces arts sont imprégnés de conflits. Il en va de même entre l’harmonie de nos gestes et la violence que certains d’entre eux symbolise : « trancher la gorge » par exemple.
Tout geste est porteur de sens ; ce n’est pas n’importe quoi. C’est le corps qui exécute le geste ; en fait notre corps est initié avant notre esprit, puisque l’initiation a surtout pour vocation de créer des sensations. La compréhension vient ensuite, la répétition ayant un rôle pédagogique. A force d’habitude, certains attachent peu d’importance à la beauté des gestes de notre rituel, et à leur exécution précise, porteuse de sens. Comment faire un travail sur soi, si le rituel n’est pas bien exécuté ? Les gestes ne peuvent être compris à l’initiation. Ils sont imposés sans explication. Le jeune maçon fait des gestes qu’il ne comprend pas, avec humilité et confiance dans les maîtres qui eux, en principe, ont compris. Ces derniers sont censés réaliser gestes et mouvements à la perfection. Cette transmission permettra à l’apprenti de comprendre plus tard qu’il est sur un chemin initiatique, en quête d’harmonie.
Le corps mémorise attitudes, gestes, ressentis de tout mouvement : l’étude spirituelle suit, avec son champ d’investigation immense. En loge, nous sommes physiquement dans un espace temps et dans un lieu sacré où nous devons être différents du monde profane. Un franc-maçon en tenue se tient différemment, car il prend conscience que tout geste, tout mouvement à un sens.
Dans ce domaine nous devons exiger de nous même la perfection si nous voulons contribuer à l’Egrégore de la tenue, qui est l’expression la plus aboutie de l’harmonie de la loge. Cette perception de notre symbolique doit nous toucher, car elle participe par une recherche initiatique à notre construction ; être initié ne suffit pas, nous nous initions nous même à chaque instant, avec un but ultime : atteindre l’harmonie intérieure, fondation de notre temple idéal.
Un geste répétitif sert à maîtriser l’émotion engendrée par une expérience non aboutie. C’est une manière d’installer une pratique et d’inviter notre conscience à explorer notre vécu. Le geste dans son épure, pratiquée en spiritualité, est une façon de s’opposer aux dérives de la pratique en nombre. Dans son exécution, nos mouvements ont davantage pour vertu d’ « être » que d’ « agir ». Le geste, pratiqué en tenue, peut procurer assez de distance pour être conscient des émotions qui nous empêchent parfois d’être ouverts au pouvoir de l’instant présent. En étudiant un geste, en cherchant à en comprendre son sens profond, en l’effectuant avec harmonie, nous pouvons nous détacher de la charge émotionnelle, qui est souvent à l’origine de nos nombreux conflits intérieurs.
Un beau geste est fait par un maçon concentré, attentif, absorbé par ce qu’il fait. Un geste a la capacité à être inséré dans la mémoire. Mais un individu distrait, agité, éparpillé, ne réussira pas à exécuter un beau geste. Les frères qui ont eu à pratiquer des sports d’adresse connaissent l’importance de la concentration pour exécuter un mouvement parfait et juste. Lorsque nous « traçons » un geste, il faut que celui-ci soit conforme à ce qu’il doit signifier, au sens que nous lui donnons ; il faut le réaliser avec tout notre être, c’est à dire avec notre corps et notre esprit. L’esprit bien sur participe sans doute plus que le corps, mais le corps n’est pas exclu.
Tout geste est un tracé, mais il faut apprendre à tracer droit. En effet dans tous nos gestes, l’équerre domine ; ceci veut dire que la droiture doit s’imposer : respect des règlements, respect du rituel, rectitude morale. « La rectitude sans la fraternité serait de la rigidité, et la fraternité sans la rectitude serait du copinage » avait déclaré un jour un Frère passé dorénavant à l’Orient Eternel.
L’équerre existe également lors de la chaîne d’union : nos pieds doivent être en équerre ! Cela est important car à ce moment précis, notre esprit va voguer vers les étoiles au-dessus de nous, nous serons alors en plein équilibre dans notre relation avec l’univers. En fait nos gestes sont le reflet de ce que nous sommes, et nous savons tous, combien nos émotions, nos conflits intérieurs peuvent perturber ceux-ci. Le geste fait partie de la tenue générale de tous les Francs-maçons dans leur temple, c’est un point de convergence, d’union, d’harmonie entre tous ; c’est un processus qui doit se vivre et se ressentir collectivement pour être harmonieux. C’est un outil de transmission ; il exige de l’assiduité, du travail, de la réflexion. Chacun d’entre nous en tenue doit prendre place, toute sa place, rien que sa place, mais celle ci doit être active.
CONCLUSION
Homère appelait l'harmonie « accord ». Mais la Concordia est par essence même Discors, idée selon laquelle l’ensemble des conflits entre les quatre éléments naturels (l’eau, l’air, le feu et la terre) crée paradoxalement l’harmonie globale du monde.
L’harmonie peut donc être considérée comme un principe organisateur qui réunit, à un moment de complète construction, les éléments d'un ensemble qui était au préalable épars. N'est-ce pas là la mission du Maître Maçon, rassembler ce qui est épars ?
Pour terminer mes Frères, méditons sur une citation d’Honoré de Balzac « L'harmonie est la poésie de l'ordre. »
L’ordre en loge symbolise celui que nous devons rechercher dans notre vie. La symbiose entre nos intentions et nos actes doit nous guider vers une certaine harmonie avec nous même. Mais l’harmonie, tout comme la brebis rebelle qui cherche à s'évader du troupeau, doit être sans cesse ramenée au bercail. L’harmonie entre notre réflexion et notre conscience s’égare trop souvent. Bien des moments forts, lors de nos tenues, nous permettent de corriger ces erreurs dues, pour la plupart, aux trépidations de notre monde profane. Mais l’instant le plus propice à cette réflexion est certainement celui de la chaîne d’Union, au cours de laquelle une harmonie invisible est plus forte que celle qui est visible. " C'est une belle harmonie quand le faire et le dire vont ensemble. " disait Montaigne.
Théoriser le conflit, c’est faire le constat qu’il nous est impossible d’éviter le conflit. Ce dernier ne doit pas être perçu avec une connotation positive ou négative, mais doit être saisi comme un système opérationnel vers le changement, à une prise de conscience des vraies valeurs. Le conflit doit être compris comme étant l’histoire même du Grand Architecte de l’Univers, ou le combat en lui, de l’homme et de l’absolu ; c’est en nous-mêmes que nos pouvons trouver le sens de ce combat. Atteindre un degré d'harmonie c'est donc vaincre après un combat laborieux. Devenir un être d'harmonie, c’est passer par une multitude d'expériences : prenons le temps de connaitre les autres, de les aimer parfois, et de se civiliser soi même.
Conflit et pouvoir sont généralement associés. Faisons fi de ceux qui, pour cette raison, ignorent que l’harmonie est la poésie de l’ordre, et donc avant toute chose celle de notre Ordre. Travaillons ensemble mes Bien Aimés Frères : nos principaux conflits sont intérieurs. Combattons en nous, sans cesse, l’inertie matérielle qui fait régresser notre âme. Ne nous écartons pas des voies de l'amour fraternel si nécessaire à l'harmonie de nos travaux et indispensable à notre propre harmonie intérieure, symbole d’un élan quotidien vers la lumière.
J’ai dit Vénérable Maître
*Le nycthémère du grec nukthêmeron (de nux « nuit », et hêmera, « jour ») est un terme technique qui désigne une alternance d'un jour et d'une nuit, correspondant à un cycle biologique de 24 heures.
*Un nyctalope est celui qui a la faculté de pouvoir voir dans la pénombre.
Illustration : Rembrandt, Le philosophe