Comme promis voici le travail sur l'Harmonie présenté par notre F:. Jean-Michel D
Quand on évoque le mot «Harmonie», on pense généralement tout d’abord à la relation d’Harmonie d’un tableau, d’une musique, d’un monument architectural, d’un jardin à l’anglaise ou à la française, ou encore d’un paysage ou point de vue naturel(s).
Il s’agit d’une relation entre l’Homme-Créateur et l’Homme-Spectateur dans le cas d’une Œuvre humaine, et d’une relation entre le Tout, la Déesse-Nature ou le G:. A:. D:. L:. U:. et l’Homme-Réceptacle dans le second cas, celui d’une Œuvre de la Nature. On peut déceler une Relation entre l’Homme, et l’un ou plusieurs de ses sens lié à son émotivité, sa spiritualité culturelle.
L’évocation de l’«Harmonie», c’est avant tout une notion d’équilibre, de justesse, d’insaisissable et en même temps d’accessible, c’est une certaine compréhension, et en même temps une quête ou un idéal de cheminement individuel et collectif. C’est aussi «réunir ce qui est épars» en apparence, s’en imprégner empiriquement avant de le réfléchir.
C’est donc d’abord une imprégnation empirique personnelle, et donc une approche d’une démarche païenne d’origine pré-solaire et chamanique qui veut que l’on aborde d’abord pleinement le Tout et que seulement ensuite on reconnaisse tels ou tels éléments, que l’on ordonne seulement alors.
Peuvent être utilisées plusieurs grilles d’analyse, à utiliser rigoureusement et dans un esprit cartésien, en conscientisant que même si elles partent de la «matière première» envisagée, c. -à-d. d’un même matériau déterminé de base, le mélange ou l’interpénétration des conclusions de chacune peut aboutir, si on n’y fait attention et si on manque de prudence et de rigueur, à une confusion, une disharmonie, c. -à-d, comme le présente la sagesse populaire, le risque de «mélanger ses pinceaux».
Chacune d’entre elles, cependant, peut permettre d’éclairer des morceaux de brouillard cachant le paysage, mais il est dangereux, comme nous venons de l’évoquer, de vouloir à tout prix «inventer» leurs rapports sous peine de se fourvoyer.
L’«Harmonie» peut être aussi synonyme, notamment en Art moderne, d’une dysharmonie, mais ici apparente, voulue consciemment et artistiquement. L’harmonie y est à trouver dans l’Abstrait : la dysharmonie apparente cache un équilibre harmonieux non visible à la première lecture, elle n’apparaît qu’à celui qui a l’esprit culturel en harmonie avec la démarche artistique proposée.
Au contraire, ce qui peut apparaître à première vue comme harmonieux, peut cacher au regard distrait, non exercé ou non préparé, donc non initié, une ou des disharmonie(s)ou déséquilibre(s) involontaire(s), pour certains donc flagrant(e/s), du(e/s) par exemple au manque de technicité de l’Artiste, comme par exemple des erreurs de perspectives dans une peinture réaliste d’un paysage.
Quand on rentre rituellement dans le Temple, le Rituel rigoureux et l’état d’esprit dans lequel on est dirigé, entraînent rapidement, tant collectivement qu’individuellement, le passage à l’intemporalité, nous mettant directement dans un état d’esprit hors des préoccupations profanes, un état d’esprit détendu, reposé, en harmonie, inspirant le bien-être comme une Méditation.
Ce climat d’harmonie semble important, aidant au dépassement de soi-même, permettant au mieux de donner à chacun le meilleur, entraînant des moments privilégiés tant dans notre raisonnement que dans notre intuition…
C’est un des chemins menant de la «Pierre brute» à la «Pierre polie».
Les anciens Opératifs nous l’ont montré : il y a des lieux et des moments rendus privilégiés, reliés au Sacré intérieur et collectif, qui permettent de s’élever vers une meilleure compréhension tant de soi-même, des autres, que de l’Indéfinissable.
Tout le Rituel et son environnement, nous convient pour nous dépasser, nous permettant d’aller plus loin que ce que l’on pouvait s’imaginer. Ce sont vraiment des moments privilégiés où l’on peut même s’en étonner, aller plus loin dans sa compréhension que l’on pouvait s’y attendre, c. -à-d. des parts d’inconscients se conscientisant peu à peu harmonieusement.
Le Rituel étant une symbolique en action, tout peut être important et aider à une harmonisation croissante créant ces moments privilégiés et intemporels que sont nos Tenues.
De plus, la Colonne d’Harmonie, les choix artistiques décorant le Temple en général, mais aussi le travail, contribuent à éveiller notre âme. Ce n’est bien sûr pas de sophistication baroque qu’il s’agit ici, mais bien entendu d’une contribution permanente individuelle et collective d’une construction harmonieuse vers le Beau avec Force et Sagesse.
Le Rituel et la musique appropriée aident donc à l’harmonie-méditation où règne l’harmonie des cœurs et des pensées. A tout Chœur harmonique il y a un chef d’orchestre, ou G: . A:. D:. L:. U:, qui est en même temps au cœur de l’harmonie, c. -à-d. des chanteurs et/ou musiciens. . , et en même temps au-delà avec comme tout attribut une baguette, pour mettre à l’unisson chacun participant à l’œuvre vivante commune…
Cette baguette est comme le Maillet qui orchestre le bon déroulement de l’Harmonie intemporelle de la Loge en action… paraissant passive parfois, mais réalisant activement l’«Égrégore», union des esprits et inconscients des FF:. .
Parler d’Harmonie, Temple, Sacré et Héritages opératifs. , nous ramène à la relation Homme-Univers, donc Cosmologie !
Et tout d’abord, historiquement, qu’est-ce que l’«Harmonie» ? Ce mot vient de la Grèce antique, et n’a pas le sens qu’on lui attribue généralement, c-à-d. l’effet des relations existant entre les diverses parties d’un tout et qui font que ces dernières concourent à ce même effet d’ensemble.
Au départ, la notion d’«Harmonie» est plus philosophique que technique.
L’harmonie, telle que la définissaient Aristoxène, Platon ou Aristote, c’est le mode, c’est-à-dire une disposition type des sons contenus à l’intérieur de l’octave, et une succession caractéristique des intervalles inégaux qui les séparent. Tous les sons possibles sont contenus dans l’octave puisqu’ils ne peuvent, au-delà de ses limites, que se reproduire dans une tessiture différente (. )
La musique grecque classique opérait parmi tous ces possibles une sélection de sept sons… L’essentiel des traditions musicales de la Grèce antique est à la base du plain-chant médiéval où l’on retrouve ses différents modes classés en huit catégories. C’est dans cette longue période étalée sur plusieurs siècles du Moyen Age occidental que devait se produire l’évolution profonde dont est sorti le système musical sur lequel on vit aujourd’hui.
Dès lors le mot «harmonie» change de signification. Il ne s’applique plus à la succession des sons, mais à leur audition dans la simultanéité… » Cependant, il faut rappeler que Harmonie fait tout d’abord partie de la Mythologie. C’est le nom de la fille d’Ares, dieu des Enfers (qui à l’origine, avant l’avènement des dieux solaires était Grande Déesse) et d’Aphrodite d’après la tradition thébaine, tandis qu’à Samothrace, elle était considérée comme la fille de Zeus et de la Pléiade Electre. Elle fut enlevée par Cadmos qui l’épousa et elle reçut pour ses noces une robe tissée par les Grâces, ainsi qu’un collier d’or réalisé par Héphaïstos. Ce collier portait malheur à leur possesseur. » A la fin de leur vie, Harmonie et Cadmos furent tous deux métamorphosés en serpents.
On donnait également le nom d’Harmonie à la personnification de l’Ordre et de la Symétrie…
Pour terminer, je voudrais aborder succinctement et harmonieusement la «Voûte étoilée», ainsi que le «Soleil» et la «Lune» donc une approche cosmogonique héritée dans notre Temple maçonnique.
Les Pythagoriciens «mathématisent» le Ciel connu, que nous pourrons à notre aise vivre et étudier quand nous aurons l’âge maçonnique.
J’y retiendrai ces propos : « -Mais quel est le fil conducteur qui relie Copernic, Brahe, Kepler, Galilée, Newton à notre symbolisme (maçonnique) astral ? Il s’agit probablement de la thèse mathématico-ontologique d’une harmonie unique de l’univers, qui est le trait essentiel de toutes les formes de pythagorisme. Car les thèses les plus novatrices du pythagorisme sont liées à sa spéculation mystique. Il nous faut donc reconnaître que la pensée de Pythagore commande une bonne partie de la pensée occidentale qui, progressivement, s’est identifiée à l’universalité… »
Dès l’avènement des religions solaires introduites chez nous dès le prénéolithique, le Sacré des Grottes, sans être négligé par le postdiluvien car réintégré pleinement dans l’architecture mégalithique. Jusqu’à toutes les Notre-Dame-de-Sous-Terre et autres Vierges Noires, le Ciel et ce qui est élevé (car sauvé des eaux post-glacières inondant les vallées), est symbolisé en tant que Suprême dominant, rassemblant « les symboles de l’ascension, échelles, escaliers, arbre, aile, montagne naturelle ou mont artificiel formé par les proéminences du temple, vision monarchique, et finalement clarté.
L’on peut dire que tout un secteur du symbolisme célestiel est au régime diurne de l’image.
Toutefois, un autre symbolisme vient se greffer sur l’archétype diurne du Ciel. Car le Ciel peut aussi être nocturne. Bien mieux, il est la scène dramatique où se succèdent les contraires, où s’affrontent les phases, où se jouent les ascensions astrales comme les déclins.
La Lune donne le ton à toute dramatisation céleste. La Lune, ainsi que ses phases, signalent sa révolution mensuelle céleste, donne le ton à toute mythologie terrestre, où se succèdent en contrastant des épisodes épiques, agricoles, biologiques.
De l’astrobiologie chaldéenne ou mexicaine pour aboutir aux civilisations méditerranéennes, c’est le drame lunaire, puis les phases de certaines planètes et le contraste du jour solaire et de la nuit qui ont ordonné les calendriers, les rituels et les mythes, spécialement ceux de la vie agricole.
Ce découpage du temps céleste en phases s’accompagne de la projection de ce temps astral sur l’espace céleste : les points cardinaux sont d’abord des points célestes, ceux des solstices et équinoxes solaires, ceux des planètes ou étoiles majeures (Sirius pour les Egyptiens. ) »
Cela aboutit à un modèle harmonieux de l’ordre de l’univers (Cosmos) où se rangent les contraires : ciel contrasté en jour et nuit, lune ascendante et descendante, quadrature équinoxiale et solsticiale. Le Ciel, « quadraturé » et ordonné, devient le modèle parfait ou puissant de toute destinée terrestre, aboutissant à l’astrologie-astronomie ne faisant encore qu’une.
On arrive enfin au symbolisme du Ciel comme modèle de régularité et de la règle de la création de l’univers. On approche du concept de «Fiat Lux» cher aux Rosicruciens anciens… Quel héritage complexe de pensée à conscientiser et à méditer harmonieusement au sein de notre Temple qui est un carré long, dont la longueur va de l’Orient à l’Occident, la largeur du Septentrion au Midi, et sa hauteur du Zénith au Nadir…
Pour terminer, enfin, en guise d’esquisse de conclusion, je vous propose celle d’Universalis sur la régularité des rythmes. :
« Le Ciel constitue donc bien l’archétype des archétypes, le symbole majeur où se rassemblent, s’organisent et s’expliquent tous les êtres et les choses de l’univers d’ici-bas. Il est le modèle gigantesque du nombre et de l’ordre, comme l’avait bien vu, avant KEPLER, les Pythagoriciens.
C’est le lieu métaphysique par excellence, le réservoir de la Toute-Puissance par son élévation exemplaire, le modèle de toute intelligibilité par son ordre exemplaire, le lieu de maîtrise divine sur les destinées et les évènements… »
Un grand Merci à Jean-Michel pour nous avoir permis de mettre son travail en ligne.
Illustrations :
— idéogramme chinois "Harmonie"
— photo TVF BB