Quelques pensées sur
l’égrégore
Comme beaucoup d’entre vous, mes frères, j’ai entendu pour la première fois le mot « Egrégore » à l’issue d’une tenue, lorsque sur les parvis, des Frères aînés murmuraient ce mot mystérieux avec joie, amour et respect. La tenue avait été particulièrement belle, la fraternité bien vivante au sein de la loge et nous avions tous senti qu’une chose particulière s’était produite, un état de grâce, rare et merveilleux que je n’avais encore jamais ressenti mais qui, un moment, avait fait battre nos cœurs d’un seul mouvement, nous avait fait vibrer au même rythme, vers un même idéal, avait relié nos esprit à une chose plus grande que nous, nous avait fait percevoir un monde où nous étions connecté avec tous ceux qui partageaient ou avaient partagé ce même désir de fraternité, de spiritualité, de lumière. Le rituel nous avait amené en ce moment particulier où nous ne faisions qu’un, unis par nos cœurs, par nos mains et par nos esprits dans une grande chaîne d’union, qui défiait le temps et l’espace. Nous avions oublié nos métaux, oublié nos grades et qualités, et partagions comme une évidence l’invocation du V.M. au G.A.D.L.U. et son injonction lors de la chaîne d’union: « élevons notre esprit vers le G.A.D.L.U qui est Dieu, et jurons de travailler sans relâche, en bons et fidèles Francs-maçons, au grand œuvre de la fraternité universelle. »
Il ne s’agissait pas seulement de fraternité. La fraternité je l’avais déjà rencontrée à maintes occasions, dans le temple lorsque j’avais été reçu maçon et que vous m’aviez donné votre confiance, et plus tard, dans votre regard bienveillant lorsque je vous avais présenté mes premières planches. Je l’avais rencontré aussi avec mes frères apprentis et mon second surveillant lors de nos réunions de formation et pendant les agapes.
Il s’agissait d’autre chose….., quelque chose qui est difficile à définir et dont d’ailleurs, on ne trouve trace dans les dictionnaires d’usage courant ce qui peut signifier qu’il n’existe pas, un mot contesté, et qui pourtant est rentré dans le champ lexical de la Franc maçonnerie .
Nous trouvons trace du mot araméen IR, précurseur de notre égrégore dans les livres d’Henoch et de Daniel, et donc d’origine biblique
Pour certains, le mot egrégore viendrait du mot grec Egrégoroi qui signifie « veilleur » ou du verbe " egregoren" qui signifie « être éveillé » Pour d’autres, il viendrait du latin, « gregs,gregis » : le troupeau, la foule, l’ensemble. Associé à « Ex » il correspondrait alors à l’énergie produite par la pensée ou par l’émotion des membres d’un groupe tendus vers le même objectif.
Pour les occultistes de la deuxième moitié du XIXème siècle et en particulier Stanislas de Gaïta, dont Oswald Wirth était le disciple, il s’agirait d’une entité propre constituée de l’ensemble des énergies cumulées de plusieurs personnes vers un but ou une croyance définis par elles. Pour Jules Boucher,il y a un Egrégore pour chaque religion et cet l’égrégore serait puissant de toute la force des individus, fidèles accumulée au cours des siècles. En Franc-Maçonnerie, chaque Loge possèderait son égrégore ; chaque Obédience aurait le sien et la réunion de tous ces égrégores formerait le « Grand Égrégore Maçonnique ».
On aimerait croire que la puissance du Grand Egregore maçonnique permettrait de changer le monde et de créer cette humanité fraternelle à laquelle nous rêvons. Comme nous l’a appris le pavé mosaïque, il existe en chacun d’entre nous une part d’ombre que l’on peut retrouver en toute entité qui naitrait de nos énergies cumulées. Pour que l’Egregore maçonnique puisse déployer toute sa puissance bénéfique, il est donc essentiel que chaque maçon garde en mémoire les premières significations du mot «Egregore» : « être éveillé » et «veiller». « Etre éveillé », c’est avoir été initié, être parti à la découverte de soi-même pour se connaître en profondeur et pouvoir porter un regard neuf, débarrassé des préjugés, sur les êtres et les choses qui nous entourent, retrouver une liberté de pensée plus juste et plus libre. Veiller, c’est ne jamais oublier ce pour quoi nous avons frappé à la porte du temple, c’est s’assurer que nos énergies ne sont employées que pour nous permettre d’avancer sur le chemin de la vérité, en suivant l’équerre, le niveau et la perpendiculaire, c’est se rappeler sans cesse que seul le but commun de la franc maçonnerie doit nous inspirer, loin des intérêts personnels ou corporatistes qui alimentent parfois si tristement les rumeurs autour de la franc maçonnerie.
Si nous savons suivre le chemin que nous a ouvert l’initiation et veiller ensemble, l’Egregore maçonnique ne peut être qu’une puissance positive pour les hommes, une puissance qui nous aidera à trouver en nous la Lumière que nous devons transmettre, afin de participer, chacun à sa mesure, à l’amélioration de la condition humaine.
Quelles que soient les polémiques que l’Egrégore suscite, accueillons le, mes Frères comme un bien précieux que nous partageons dans nos cœurs et dans nos corps lorsque nous avons la chance de le vivre et de réaliser ainsi, pour un instant, l’unité.
P:. M:. I:. Ph:. F:.
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