Travail d'Apprenti sur le Silence, réalisé par notre B:.A:.F:. Frédéric R:.
A la gloire du GADLU,
Vénérable Maître, mes bien aimés Frères.
Je ne vous cache pas la difficulté de ce travail car je me dois de vous parler du silence en loge, après la remarquable planche réalisée par notre frère écrivain Patrice , travail que j’ai pu lire sur le site de notre atelier.
Je vous serai donc très reconnaissant mes bien aimés frères de faire preuve de beaucoup d’indulgence car je ne suis pas un homme de lettre comme vous le savez mais plus de formation scientifique....
Dans un premier temps, je vais tenter de définir comment je perçois le silence dans notre vie profane avec quelques exemples puis j’aborderai ensuite le thème du silence en loge avec pour terminer sur ma perception du « silence forcé » d’un apprenti pendant plus de deux ans à Trusatiles.
Tout d’abord je vous propose plusieurs définitions généralistes du silence :
De façon étymologique le silence vient du latin « Silentium » soit l’absence de bruit :
« Tout était calme autour de lui ; on était arrivé à cette heure mystérieuse de la nuit où la nature semble dormir, et où tous les bruits sans nom de la solitude s’éteignent pour ne laisser, suivant l’expression indienne, entendre que le silence. »
G. Aimard, Les Trappeurs de l'Arkansas, 1858
Une première réflexion me vient à l’esprit, on peut Entendre le Silence ou tout du moins être dans un état qui permet de rencontrer et d’écouter le silence, ce silence qui apparaît lors d’une introspection, lors d’une méditation ou lors d’une profonde réflexion amenant quelque fois à une décision primordiale…
Une autre définition nous explique que Le silence est, dans son sens originel, l'état de la personne qui s'abstient de parler .
Ne nous a t’on pas appris lors de notre plus jeune âge à l’école maternelle de « Faire le Silence » ? je me rappelle de cette enfance ou l’on entrait en classe dispersés ; bruyants ; énervés d’une récréation riche en évènements, le Maitre ou la Maîtresse demandant de « Faire le Silence » : permettant ainsi au groupe de se calmer ; de se mettre en position d’écoute et de travail .
Ne nous as t on pas appris plus tard de ne pas bavarder ? de faire le silence pendant les cours , de ne pas prendre la parole sans en avoir l’autorisation ?
« Silence dans les rangs ! »
ont aboyés un peu plus tard les supérieurs militaires
Je me pose la question :
Notre vie ne serait elle pas finalement une succession de périodes de silences forcés ou de silences souhaités ?
Qui n’a pas déjà employé ce proverbe hébreux :
« Le silence est d'or, la parole d'argent » ?
La valeur du silence est supérieure à celle de la parole. En effet, il est important de maîtriser le langage mais savoir se taire est un signe de sagesse. Le contrôle de soi passe à mon avis par la maîtrise de la parole mais aussi par la maîtrise des périodes de silence , on se retrouve ici dans un langage qui est différent de celui des mots .
Dans notre société et donc dans notre monde profane est il facile et aisé de ne pas prendre la parole, de ne pas mettre en avant son savoir ou son analyse ?
La réponse est clairement Non !
Le silence fait peur à notre époque. La vie active nous laisse peu de répit. La ville est un univers bruyant qui sollicite en permanence tous nos sens.
On nous demande, en particulier dans le monde du travail, de prendre position, d’être force de propositions, de participer à des "Brandteam" ; de prendre le pouvoir à travers des débats ; à travers des analyses ; à travers des discours ; l’influence se faisant essentiellement par la capacité à convaincre, à fédérer à travers la parole, le dialogue et l’échange .
Ne parle t'on pas actuellement de transversalité ? (nouveau modèle dans nos organisations, dans nos entreprises) Nous vivons dans une société de complexité à tel point que se résigner ou rester dans son coin silencieux, ne peut nullement procurer ni quiétude ni confort.
Dans nos relations avec l’autre, en communication lorsque nous réalisons un « silence volontaire » il est très difficile pour la personne avec qui nous communiquons de respecter cette pause silencieuse : au bout de quelques secondes seulement le dialogue est automatiquement repris car il est difficile de gérer un silence : peur du vide ? une gestion difficile de ce temps de silence forcé? Le Silence nous fait il peur ? est il synonyme de mort dans notre subconscient ? je ne répondrai pas à ces questions mais vous propose ces quelques pistes .
Tous les recruteurs le savent : quand on veut savoir un peu plus sur un potentiel candidat , au moment le plus important de l’entretien , un silence va induire nécessairement une reprise du dialogue par le candidat et c’est là que ce dernier va se livrer encore plus .. et certainement à tort ….
Pourtant, l'homme moderne n'a pas oublié la valeur du silence, même si habituellement il ne le « pratique » plus beaucoup. Certains ressentent le besoin de s'extraire de ce fond sonore pour aller chercher le silence dans les monastères, là où il devient une règle, un chemin de vie, une nécessité pour mieux écouter l'Autre... C’est une forme de silence intérieure qui permets l’introspection , l’analyse , on décide de se taire, de faire le vide en soi, de prendre du recul par rapport à nos activités quotidiennes pour se recentrer sur l'essentiel.
Ce « silence actif » permet le recueillement, la réflexion personnelle… il en est de même chez les bouddhistes, certains font le choix mûrement réfléchi de se retirer du monde pendant trois ans, trois mois et trois jours. Ce n'est pas une fuite mais plutôt un voyage intérieur : il leur faut une force extraordinaire pour lutter contre leurs passions.
Nous avons aussi une autre possibilité , c’est de rechercher le silence par l’extérieur : celui que l'on peut trouver dans la Nature, au sommet d'une montagne ou dans le désert : Trouver un endroit sans bruit parasite , permet de rentrer très vite dans la réflexion de qui nous sommes , d’ou venons nous , de faire un bilan de notre vie et de notre vision du futur .. il est alors possible de faire rejoindre le silence extérieur par celui du silence intérieure , ce que l’on pourrait peut être définir comme un état de paix de tout notre être . Il m’est difficile de rester trop longtemps isolé sans le moindre bruit ou dialogue :
« Le silence éternel de ces espaces m’effraie » disait Pascal
« Le silence n’a jamais trahi personne » disait aussi ce même philosophe , je me pose la question de savoir si la maitrise du silence ne pourrait pas au contraire être une force dans cette société ou nous devons en permanence faire nos preuves et rester comme on le dit dans le monde du travail «toujours en haut de la pile »…
Savoir écouter ; savoir se taire et laisser les autres se découvrirent , permet finalement de trouver les bons mots et la bonne synthèse qui pourra enrichir le débat ou la problématique. Le Silence devient alors dans ce contexte une façon de s’exprimer ou d’acquiescer … Qui ne dit mot consent …
Le silence en loge :
comment se traduit il ? comment l’ai je perçu ?
Lors de l’initiation le premier temps est rythmé par le silence enfermé dans le cabinet de réflexion , dans un silence absolu , dans le froid et dans un environnement austère … ou je me suis retrouvé accompagné simplement par le silence mais heureusement autour d’un questionnement qui a permis à mon esprit de s’évader et déjà me poser des questions existentielles …
L’initiation était en route dans le silence , l’ensemble de mes sens étaient en éveille avant d’entrer dans un nouveau rythme lors d’ un premier voyage lui très bruyant ….
Dans notre tradition occidentale , le silence est l’outil de l’apprentissage . Faire silence est un outil qui permet de se rendre disponible à la parole de l’autre
J’ai abordé lors du premier chapitre cette métaphore de l’école à travers notre expérience écolière ,
En loge , Il me semble être retourné à la maternelle, de nouveau nous marchons en rang, nous faisons des devoirs mais aussi des pensums, et l'on nous astreint au silence, l’élève devient silencieux car il doit apprendre !
Moi qui communique et qui parle beaucoup dans la vie profane, voilà que l’on me demande de ne plus rien dire ; au début de mon entrée à Trusatiles, les premiers mois cela me semblait difficile et presque injuste de ne dire mot, puis au fil des mois je me suis habitué à cette situation, la trouvant finalement assez confortable, surtout comparée à celle de certains officiers en particulier celui de l’orateur ou du secrétaire...
Finalement, le fait de ne pas parler m’a permis d’observer le rituel et le rôle de chacun afin de trouver une parfaite harmonie . J’ai pu essayé de comprendre ce rituel unique ou tout est pensé, réfléchi ou le symbolisme est omniprésent.
Moi l’homme de communication qui essaye toute la journée de convaincre au niveau de mes interlocuteurs professionnels ou au niveau des sympathisants dans mes différents engagements, il a fallu que je trouve la symbolique de ce silence et surtout les bienfaits que l’on peut exploiter à la fois dans le temple mais aussi dans la vie hors du temple .
Moi qui passe mon temps en réunion , me voilà en train d’observer et me retenir à prendre la parole à tors et à travers ou trop rapidement ; comme le dit le dicton
« Il est bon de parler et meilleur de se taire ».
Je peux dire avec beaucoup d’humilité avoir changé de comportement dans certaines situations ou pour preuve je commence à me dire :
« Tiens là tu ne parles plus autant qu’avant , tes interventions sont plus courtes et plus synthétiques … est ce une conséquence de mon expérience en loge … je le pense objectivement … c’est peut être là que je peux me dire que j’ai objectivement commencé à tailler ma pierre .. »
Ce silence ou cette écoute active permet de comprendre une situation ; d’être capable de mieux faire la synthèse et d’apporter la pierre manquante à l’édifice lors de la résolution d’une problématique par exemple.
C’est dans le silence qu’on se retrouve soi même que l’on peut analyser ce qui est le plus important , que l’on peut se rendre compte que l’on vit un moment exceptionnel et que ce moment est certainement un instant de bonheur.
Pour conclure :
Le silence n’est il pas plus important que la parole dans certains cas ??
N’est il pas aussi l’une des manières de reconnaitre un frère dans la vie profane ?
Dans la franc maçonnerie le silence est certainement le premier outil de l’apprenti , il le restera toujours pour le maçon en effet l’essentiel de notre démarche repose sur une volonté personnelle de perfectionnement intérieur aidée en cela par l’écoute donc par le silence actif , mais aussi par la rigueur et la fraternité entre tous.
Pour moi, le silence renvoie aussi au secret dans la loge mais aussi à l’extérieur, l’accès au temple, l’appartenance de cette société discrète, ce silence devient alors protecteur et nécessaire.
Le silence que vous m’avez imposé pendant ces deux années n’est il pas un cadeau que vous m’avez fait mes BAF ? Je le pense et vous en remercie tous très fraternellement .
J’ai pu regarder , analyser , essayer de comprendre le rituel sans prendre le moindre risque lié à la prise de parole , cela m’a permis aussi de me concentrer sur moi même et de commencer à chercher les réponses à quelques questions :
— Qu’est ce que je recherche dans la Franc Maçonnerie ?
— Pourquoi suis je impatient et heureux de retrouver l’ensemble de mes frères lors des tenues ?
— Que pourrais-je à mon niveau apporter à ma loge ?
— Comment puis-je mettre en application le savoir être et le savoir appris en loge dans le monde profane ? etc.
Mais rester trop longtemps dans le silence serait contre productif avec le risque de s’isoler et de ne pas aider à construire notre édifice commun .
Je terminerai sur une parole de Mère Térésa :
« Dieu est l’ami du silence .Les arbres ,les fleurs et l’herbe poussent en silence. Regarde les étoiles ,la lune et le soleil ,comment ils se meuvent silencieusement. »
Je suis très impatient d’écouter vos enrichissements mes Baf qui vont me permettre de lever certaines interrogations, inutile d’en dire plus !
je retourne dans mon Silence...
J’ai dit …