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26 octobre 2014 7 26 /10 /octobre /2014 15:32
Le Bijou du Maître de cérémonie [II]

Pourquoi des épées?

Nous avons vu dans la 1ère partie, grâce à des références historiques précises,

— D'une part, pourquoi le "Maître des Cérémonies" utilise généralement une canne pour assurer son office;

— Et, d'autre part, la raison pour laquelle son emblème est constitué de deux éléments en sautoir, même lorsqu'il n'existe qu'un seul officier représentant cette charge dans un rite donné.

— Enfin, nous avons aussi obtenu des précisions quant à la décoration traditionnelle de la canne du Maître des Cérémonies.

Mais alors, me direz-vous, pourquoi soudain deux épées?

Comme je l’ai déjà suggéré dans le 1er épisode, ce ne fut pas toujours le cas, et ce ne l'est pas partout. En outre, il semble que cette représentation est sujette à changements plus ou moins cycliques et opportuns, sans que l’on sache trop pourquoi ces modifications ont lieu. J’ose espérer que ce n’est pas pour de simples raisons d’intérêt de quelque marchand du Temple…

Mais qu’importe, l’homme étant capable de justifier en tout temps ses actions, y compris les plus injustifiables, commentons donc ce qui nous est donné à commenter en cet instant.

D’abord retenons que tous les rites, qui reconnaissent la charge de Maître des Cérémonies, même si elle ne se nomme pas toujours ainsi, croisent, en croix de St André, on dit aussi "en sautoir" en héraldique, des épées ou des cannes, ceci en parfaite imitation de ce que furent les emblèmes des charges royales ou militaires, dont nous avons parlés précédemment. Mais, raison aidant, vous conviendrez qu'il eut été difficile de reprendre à l’identique ces glorieuses armoiries historiques, sans risquer de se faire regarder comme de pauvres nobliaux d’opérette affublés d'un orgueil démesuré, ostentatoire et finalement usurpé. Donc les cannes des pendentifs ne sont pas tout à fait semblables aux bâtons armoriés.

Le Bijou du Maître de cérémonie [II]

Restent les épées.

Ici il va nous falloir à nouveau croiser, si j'ose dire, nos regards entre l’Histoire et la Maçonnerie, et oublier les explications "symbolo-fantaisistes", qu'on peut lire ici ou là, concernant, entre autres, les "dangers" que pourrait rencontrer pendant ses circumambulations le Maître des Cérémonies ! Ou alors c'est à se demander à quoi servent tuileurs, couvreurs et experts…, et même quelle est l'utilité d'une "ouverture des travaux" en bonne et due forme?

Mais revenons à nos épées.

Vous vous souvenez qu’au 17ème siècle, et durant des décennies, l’Angleterre fut le théâtre d’une véritable guerre civile, qui laissa un traumatisme profond dans les consciences. Aussi, lorsque se créa la Franc-Maçonnerie contemporaine en 1717, les souvenirs sanglants étaient encore vifs, et les instigateurs de cette nouvelle vision du monde recherchaient avant tout à construire une Fraternité universelle d'intelligence et de concorde. Ce qui n'empêcha pas, au moins dès 1751, les nouveaux Francs-Maçons anglais de s'affronter, parfois violemment, entre "Anciens" et "Modernes" pendant encore plus de 60 ans. Alors, quand vint enfin la réconciliation maçonnique de 1813, tout fut organisé pour que la paix puisse régner durablement sur nos colonnes. Oralité des travaux, interdiction d’aborder des sujets qui fâchent, reprises d’anciens usages, accommodements entre Anciens et Modernes, foi en une Transcendance plus ou moins révélée, tolérance relative, etc…Tout ceci devant contribuer à arrondir les aspérités. C’est pourquoi, tous les rites purement anglais n’introduisaient jamais la moindre arme, et surtout pas l’épée, dans leurs Loges. (Je ne sais trop si cela est partout suivi aujourd'hui). La seule exception, qui confirme la règle, étant les courts instants, lors de l’installation du VM, où ce dernier reçoit le Tuileur avec son épée et la lui remet rituellement, pour qu’il aille immédiatement se faire voir ailleurs, et siéger au dehors de la Loge. Celui-ci, gardien de la porte, devient alors le seul garant, armé, de la sécurité intérieure des LL anglaises.

Mais en France il en alla autrement, ne serait-ce que par esprit de rupture avec la maçonnerie, non seulement anglaise, mais surtout anglicane.

Et ce, d’autant plus que chez nous, pour reprendre une pensée gaullienne un peu désabusée, le désir d’égalité va, paradoxalement, de pair avec l’envie des privilèges. Aussi, par un étrange souci de nivellement par le haut et de parité aristocratique, nous fallait-il porter l’épée au côté, en gage de liberté et de noblesse… au moins de cœur. Toutefois, pour ne pas sombrer dans le ridicule, car il ne s’agissait évidemment pas de singer l’Ancien Régime chancelant et inégalitaire, on tenta d'expliquer que nos Loges traitaient de manière semblable tous leurs membres, fussent-ils nobles, militaires ou roturiers. Et comme l'explication risquait d'être un peu courte, on estima opportun de suivre les théories très contestables du sieur Ramsay, lequel nous a relié sans preuve à la Chevalerie templière, dont on nous recommande d'imiter au moins l'esprit, sinon les prérogatives. C'est ce que rappelle, par exemple, et avec force, l'Ordre de la Stricte Observance Templière.

Il n’empêche, aujourd'hui, que le fait est là, certains accessoires militaro-chevaleresques, se sont avérés indispensables pour pratiquer la Maçonnerie, y compris certains déguisements, sans compter les "hauts grades", inconnus de la Maçonnerie anglaise. Et c’est ainsi que divers rites "continentaux", comme le RER, le Français et quelques autres étrangers, portent noblement l'épée au côté, et en dotent abondamment leurs Officiers. Mais plus nombreux encore sont les rites et les LL qui, bien que ne portant pas l'épée, mais désireux d'honorer quelque plénipotentiaire, se dépêchent à former la "voûte d'acier", dont l'origine est toutefois purement militaire, sans être nécessairement chevaleresque.

Forts de ces arguments, on comprend mieux pourquoi il n'est pas question, suivant l'essence même de certains rites, de mettre en sautoir de vulgaires cannes. Et pourtant, comme on l'a vu plus haut, le bâton, qu'il ne faut certes pas confondre avec le sceptre, reste le symbole de l'administration civile ou religieuse et caractérise aussi la plus haute distinction militaire, le maréchalat, dont le bâton d'azur est semé aujourd'hui, non plus de fleurs de lys, mais  d'étoiles d'or.

A suivre…

Le Bijou du Maître de cérémonie [II]
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RF BB Alain V:. - dans Rite Français

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