Au hasard de mes lectures je viens de découvrir, sous la plume d'un de nos grands écrivains, un texte sur la franc-maçonnerie, vision d'un non-maçon au regard vif, exercé et sans concession, sur notre institution.
Nous sommes loin d'un "anti-maçonnisme" primaire", voire brutal et aveugle.
Si le regard est ironique, la plume acérée — une sergent-major trempée dans de l'encre violette allongée d'une petite dose de vitriol — , le propos n'est pas outrancier et apporte un éclairage intéressant sur la façon dont nous pouvons être perçus.
Ignorez le sens, le rite se transforme en pantomime ridicule.
Je vous en livre un extrait, mais bien sûr, pour rester dans l'esprit du blog-notes des Meuniers de la Tiretaine [1], je ne vous dévoile pas encore le nom de l'auteur (vous le connaissez !), ni le titre de l'ouvrage...
Je vous crois que c'est compliqué... Et encore je ne vous parle pas d'un tas de trucs, que vous devez avoir dans la tête, si vous voulez être bon maçon : les lettres sur les colonnes, les inscriptions, les problèmes. Il ne s'agit pas non plus de confondre les insignes. Tout à coup vous vous dites : ce Frère là, avec cette chose qui lui pend, est-ce que ce n'est pas le Grand-Expert ?... Ah ! non, le Grand-Expert, c'est celui qui a la règle et le glaive. Celui-ci se contente d'un fil à plomb : donc, c'est le Second Surveillant. Et tout le temps comme ça. A croire qu'ils l'ont fait exprès d'en mettre et d'en fourrer, tant qu'ils pouvaient, pour impressionner les gens, vous savez, surtout les nouveaux, pour leur occuper constamment la tête avec des riens.
Pendant que les frères ont la sueur au front, à se demander s'ils vont bien se rappeler le pas de l'apprenti, si dans leur émotion, ils ne partiront pas du pied gauche ; ou si, quand le Vénérable criera :
"Frères qui décorez la colonne du Sud..." ils ne vont pas tout à coup confondre le Sud et le Nord... et ainsi de suite... car il ne s'agit pas non plus de se tromper dans les batteries, ou de se taper la cuisse quand il faut se taper l'avant-bras, ni de gueuler : "Houzé ! Houzé !..."[2] une minute avant les copains
[...]
En petit comité comme ça, la moindre gaffe se remarque. Vous passez pour une patate... Alors pendant ce temps là, vous gardez l'esprit contracté, et vous ne pensez pas à contredire. Ca vous dresse quoi ! comme au régiment !
[...]
Vous figurez peut-être qu'avant d'ouvrir la séance le Vénérable dit tout simplement :
"Allez voir si la porte est fermée pour que nous soyons tranquilles " ?
Peuh ! Il prend sa voix la plus caverneuse :
"Frère Premier Surveillant, quel est le premier devoir des Surveillants en Loge ?"
Et tout le monde est debout, pendant ce temps-là, hein ? au garde-à-vous. L'autre répond :
"Vénérable, c'est de voir si la Loge est couverte et de voir si tous les frères qui occupent les colonnes sont maçons."
Alors le Grand Expert va faire le Jacques dans les couloirs ; les surveillants passent le long des colonnes, et les inspectent d'un œil torve. Vous savez, on dirait des enfants qui jouent au voleur...
Tout est dans le même jus.
Note
[1] Réponse par e-mail à l'adresse habituelle, voir ci-dessous.
[2] Vivat ! Vivat !... dans la branche française
[3] Illustrations
— Vignette : fragment d'un tablier de Maître anglais du XVIIIème,
— Frise : plumes Sergent-Major
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