« Si la vertu est le chemin du bonheur, que peut être la vertu sinon amour souverain pour Dieu ?
Quand donc on dit qu'elle est quadruple, je crois qu'on l'entend des divers états de cet amour. Ces quatre vertus, plaise à Dieu que leur efficacité soit dans tous les Cœurs, comme leurs noms sont dans toutes les bouches !
Voici comme je les définis sans hésiter :
La tempérance, c'est l'amour se donnant tout entier à l'objet aimé ;
la force, c'est l'amour supportant tous les maux à cause de l'objet aimé ;
la justice, l'amour soumis au seul objet aimé, et par suite régnant sur tout le reste avec droiture;
enfin, la prudence, c'est l'amour faisant un choix judicieux de ce qui peut lui être utile à l'exclusion de ce qui peut lui être nuisible. Et cet amour, nous avons dit que ce n'est pas l'amour de n'importe quel objet, mais uniquement l'amour de Dieu, c'est-à-dire l'amour du souverain bien, de la souveraine sagesse, de la concorde souveraine.
Je pourrais donc encore définir ces vertus: la tempérance c'est l'amour de Dieu, se conservant intègre et incorruptible ; la force, c'est l'amour supportant facilement tout à cause de Dieu ; la justice, c'est l'amour ne servant que Dieu seul et par suite régissant avec droiture tout ce qui est soumis à l'homme; la prudence, c'est l'amour discernant judicieusement ce qui peut nous aider à arriver à Dieu ou ce qui peut nous détourner de lui. »
"Des mœurs de l'église catholique et des mœurs manichéens" , XV Saint-Augustin