Notre bien aimé Frère Alain J. nous a fait parvenir une de ses premières planches sur Le Vestimentaire en Loge. Nous l'en remercions chaleureusement.
Bonne lecture
LE VESTIMENTAIRE DU MAҪON EN LOGE
Costume,Tablier,Gants
Comme tout profane en vue de sa cérémonie d’initiation, nous recevons au préalable, une convocation nous informant que nous devons nous présenter revêtu d’un costume sombre, d’une chemise blanche et d’une cravate noire.
Il nous vient bien évidemment à l’esprit, la question suivante: pourquoi la tenue doit, elle être de couleur sombre et non pas de couleur différente (voir plus claire) ? n’y voit-on pas là une impression de snobisme ? tout laisse à le penser mais c’est bien l’inverse qui est recherché car la tenue vestimentaire prescrite peut être considérée comme un uniforme, c'est-à-dire que tous les FF sont sur le même pied d’égalité.
En Loge, comme chaque Frère, nous revêtons notre tenue sombre, notre tablier et nos gants.
Nous venons tous pour travailler, se retrouver et partager un moment privilégié, mais on ne s’y rend pas en tenue négligée.
Chacun vient librement avec des obligations mais sans en attendre quelques avantages. Il n’y a pas de compétition ni d’étalage de son statut, ce n’est pas le but, et la règle veut qu’il y règne une ambiance chaleureuse et fraternelle.
Le costume est un vêtement qui couvre le corps et ne laisse apparents que la tête et les mains, tout en respectant chaque individualité.
Porté par tous, il symbolise l’importance de la diversité sous couvert d’une certaine uniformité, la liberté d’expression qui nécessite une certaine rigueur et l’importance d’aller droit à l’essentiel.
Le rituel de l’habit est important. Participer aux travaux en habit donne un air solennel et confère une responsabilité aux Frères. L’habit est un signe de reconnaissance, car il occulte les attributs extérieurs et nous fait renaitre ensemble à chaque tenue. Il est vecteur de cohésion dans la démarche qui unit les FF au sein de la Loge. Il fait partie d’un langage codifié qui permet de surmonter les préjugés et de se concentrer sur le travail.
Lors de son initiation, le néophyte, après qu’il ait reçu la Lumière et qu’il ait réintégré la Loge dans son costume, est conduit par le 1er Maitre des Cérémonies à pas libres au Nord de l’autel pour y recevoir du Vénérable Maitre son tablier:
Mon Frère, ce tablier dont vous serez toujours revêtu en Loge, vous rappellera sans cesse que l’homme est condamné au travail et qu’un Maçon doit mener une vie active et laborieuse.
Le tablier: Anciennement surface plane sur laquelle se joue certains jeux (dames, échecs).
Vision du pavé mosaïque, de l’alternance du blanc et du noir, du conflit éternel entre la faculté pensante et son fonctionnement chez l’homme, ce qui permet à l’homme de connaître, de juger, mais aussi la position entre le bien et le mal (découverte de la vie initiatique).
Le tablier: Vêtement de protection constitué par une pièce de matière souple maintenue par des attaches qui protège le devant du corps.
Aussi plancher d’un pont levis.
On entrevoit aussitôt qu’il devient symbole de passage, de prudence.
Mais comment aborder notre tablier d’Apprenti.
Il s’impose comme objet par sa couleur, sa matière et sa forme.
Il est blanc, symbole de la mort et du deuil en Orient, le blanc est la couleur de la première phase dans les rites d’initiation, la couleur de la robe de baptême, de communiant, de la mariée, dans ces moments de passages empreints de pureté n’est-il pas synonyme de nudité.
Ne dit-on pas aussi du blanc « qu’il agit sur notre âme comme le silence absolu ». ce silence ne signifie pas mort, il est le prémisse à toute naissance, à tout commencement.
Le tablier peut donc contribuer à faire régner en nous le silence, début d’une réceptivité plus grande, d’une ouverture à un cheminement spirituel.
Il est notre habit essentiel et un élément capital de notre symbolique.
C’est un honneur et un devoir de le porter.
La peau dont il est fabriqué renforce le rôle protecteur et s’agissant d’une peau d’agneau, souligne encore l’importance du blanc.
Son rôle protecteur a traversé les siècles, des grands tabliers de cuir des tailleurs de pierres, à notre ésotérique tablier.
Comme moyen de protection, il a donc une fonction passive; il permet de recevoir sans danger.
Comme symbole revendiquant la fierté du labeur, il évoque une fonction active.
Couvrant le bas ventre et plus encore avec la bavette relevée qui englobe le nombril, il s’inscrit dans la tradition qui fait de cette partie du corps le siège des passions et de l’affectivité.
Elle représente un axe fondamental de l’individu, elle mérite d’être protégée non pour soustraire, mais pour sublimer son énergie vers l’esprit et la pensée.
C’est pourquoi l’Apprenti à l’inverse des Compagnons et des Maitres, porte le tablier avec la bavette relevée qui lui protège le plexus contre les éclats de sa pierre qu’il burine avec force et persévérance.
Il doit se protéger afin d’atteindre à la sérénité d’esprit qui fera de lui un initié réel, d’autre part restant ainsi isolé, ses sentiments et ses émotions ne risquent pas de gêner par leurs radiations, la Paix profonde du Temple dans lequel il est admis.
La réponse à « Que venons-nous faire en Loge » ? Vaincre nos passions……prend ici toute sa signification.
La géométrie, pour certains d’entre nous, ne nous a laissé que des souvenirs approximatifs, pourtant notre tablier, bavette relevée, est composé d’un rectangle surmonté d’un triangle. Cetteforme nous renvoie ainsi à celle du Temple, lieu sacré de spiritualité, Temple que nous essayons de construire en Loge.
Le triangle, fronton du Temple évoque la symbolique du nombre 3, nombre de notre Grade d’Apprenti.
Ce triangle exprime la complémentarité de la Sagesse, de la Force et de la Beauté. Peut-être que cette bavette relevée qui protège l’Apprenti de sa fragilité a-t-elle aussi pour mission de protéger l’ensemble de la Loge de ses impulsions.
Ce tablier spirituel, moral, ne doit pas être un bouclier et empêcher le don de soi, mais faire office de tamis, de filtre ou de régulateur.
Ceindre le tablier, c’est aussi nouer une ceinture.
Cette ceinture part de nous, nous relie à nous même, en même temps qu’elle nous relie aux autres.
Comme un cercle magique, elle nous lie.
Cette ceinture alliée indéfectible du tablier, fait de nous les maillons de la Chaine.
Depuis l’aube de l’humanité, le tablier est l’attribut des initiés, qu’ils soient Esséniens, Egyptiens, Celtes ou alchimistes.
Le fait d’en être couvert ouvre à un autre langage, à une autre gestuelle, permettant d’accéder aux outils nécessaires à la construction du Temple.
Elément essentiel du Maçon, il est le symbole visible du travail invisible à exécuter à l’intérieur de soi, sur soi.
Après avoir reçu son tablier, le Vénérable Maitre remet alors a l’initié 2 paires de gants « qui par leur blancheur vous avertissent de la candeur qui doit toujours régner dans l’âme d’un honnête homme, et de la pureté de nos actions ».
En règle générale on enfile des gants au moment précis où l’on s’attelle à une tâche et dans le milieu profane, ils nous protègent contre les différents risques du travail et nous isolent des variations de température.
Protection et isolement sont concomitants.
Si sur le chantier le danger est d’ordre physique, il concerne les coups qu’on peut recevoir par des matériaux ou par les outils utilisés, en Loge il convient de transposer ces traumatismes au plan symbolique.
Essayer d’atteindre à la connaissance de soi et à la volonté d’action sur son propre comportement ne se fait pas sans efforts et sans risques.
Chaque être émet et reçoit, et ce sont notamment les doigts des mains qui nantis du pouvoir des pointes ou des extrémités sont des lieux d’échanges tant par réceptivité que par émissivité. Ce sont ces points que l’on cache pour protéger et former un circuit fermé, censé favoriser l’introspection.
Cette fonction de l’isolement est à rapprocher de l’éloignement des métaux qui sont conducteurs.
On les porte aussi pour se protéger du monde extérieur et pour ne pas souiller ce que l’on touche. Porter des gants est un signe de respect car c’est une prise de conscience de sa propre « impureté ».
Les gants créent aussi une distance avec le monde extérieur qu’ils nous encouragent à appréhender en prenant conscience de nos gestes.
Oter ses gants est aussi une marque de considération, c’est laisser l’autre, le monde extérieur, entrer dans notre intimité, comme lors de la Chaine d’Union.
Les gants sont blancs, ils sont surtout symboles de pureté et cette blancheur ressort sur le fond sombre du costume. Autant le costume fait disparaître la personne dans l’uniformité, autant le tablier et les gants mettent en valeur le travail.
Préparer son habit pour venir en loge est un processus (le nettoyer, le porter, etc…) qui incite à nous préparer aux tenues et à les inscrire dans notre quotidien.
Le processus de s’habiller, de s’apprêter (se rendre prêt) en trois étapes, le costume, le tablier, puis les gants, intègre la notion de temps.
Cette transformation permet la transition d’un espace à un autre. C’est d’abord la rupture avec le monde et le temps extérieur (le costume cache le superflu et introduit au rythme de la F.M) puis la mise en condition pour un travail à venir (le port du tablier) et enfin l’état de se mettre au travail dans l’immédiat (enfiler les gants).
Pour conclure cet exposé, nous rappellerons que ces trois éléments représentent chacun un aspect du travail auquel se livre chaque Frère en Loge.
Le costume: c’est occulter les préoccupations extérieures et se concentrer sur l’œuvre à accomplir.
Le tablier: c’est se mettre en situation de travail et aspirer à la perfection tout en demeurant modeste et conscient de la dynamique perpétuelle de l’apprentissage.
Les gants: c’est se mettre à l’œuvre dans une volonté pure, mais de manière réfléchie, car avant de les enfiler, on a pris le temps de revêtir le costume et le tablier.
J’ai dit Très Vénérable.
Alain J. – RL Francs Devoirs 567.Orient de Paris