Suite et fin de la réflexion du RF J.-P. A. pour répondre à la question « Etes-vous Maître ? ».
Nos remerciements chaleureux et fraternels à notre B.A.F. pour ce travail.
Le Rite Français affirme cependant que la Parole n’est pas perdue, et de fait elle circule même lors de la réception d’un nouveau Maître ; il y a eu substitution de peur que ses insuffisances, ces mauvais Compagnons intérieurs, ne mène le Maçon à faire un mauvais usage de la Parole véritable, source de désordre et de destruction de la création. La parole substituée n’est donc pas en elle-même porteuse d’un signe fondamental même si elle a l’avantage de nous rappeler que c’est du cœur que doit surgir l’énergie vitale nécessaire à la renaissance du récipiendaire, or la parole substituée est bien un cri du cœur poussé par les Frères qui découvrent le corps d’Hiram.
Mais ce qui compte en définitive, c’est la connaissance de la vraie Parole qui n’est autre selon le rituel que l’un des noms de Dieu, ce qui est une manière de souligner une fois encore que l’objectif de la démarche initiatique est la vie spirituelle, la rencontre avec la dimension divine qui prend sa source dans la Parole “Au commencement était la Parole et la Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu“ (Jean, Prologue)
“Comme Maître vous vous appellerez désormais Gabaon …“ La force de cette sentence réside dans sa brièveté et dans son caractère impératif. Le nom choisi indique en hébreu un “lieu élevé“ mais était aussi le nom de la capitale des Gabaonites, un peuple “d’hommes vaillants“ et très rusés, habitant le pays de Canaan, ils s’allièrent avec les Hébreux qui n’eurent pas d’autre solution que de combattre avec eux et même pour eux lorsque les Gabaonites s’attaquèrent à plus forts qu’eux !
L’autre événement très fort qui justifie le nom de Maître est bien entendu l’épisode par lequel Salomon fait sa demande à Dieu “Accorde donc à ton serviteur un cœur intelligent pour juger ton peuple pour discerner le bien du mal ! Car qui pourrait juger ton peuple, ce peuple si nombreux ?“ Ce Roi sollicita la Sagesse, mais littéralement il demanda le don de discerner pour rendre un bon jugement, et bien sûr sans Sagesse point de discernement … Salomon reçut donc la sagesse et il la reçut à Gabaon. Le nouveau Maître est donc un homme vaillant, habile et sage !
Mentionnons aussi le mot de passe, “Ghiblin“ qui est vraisemblablement la déformation de “Ghiblite“ ainsi que se nommaient les habitants de Guébal, une ville située proche du mont Gibel dont les artisans furent appelés, avec les Maçons de Tyr, à travailler pour le chantier du Temple de Jérusalem. Le concept d’élévation est toujours présent en même temps que l’origine très opérative du mot paraît dire au Maître « souviens-toi d’où tu viens“
Il y aurait encore à discuter de la signification du signe de détresse dont il est clair qu’il est un appel au ciel vers lequel les mains se lèvent en même temps que les paumes ouvertes semblent vouloir recevoir la grâce divine. Les mains couvrent la tête, symbole de la pensée et de la raison pour indiquer que c’est l’esprit qui est d’abord et essentiellement menacé chez le Maître, ce qui est logique puisque à présent c’est dans la dimension spirituelle qu’il est supposé faire son chemin. En même temps l’appel est lancé à ses Frères Maîtres Maçons comme lui enfant de la veuve : nul ne peut espérer faire seul la route vers le Très-Haut.
Enfin pour conclure et parachever cette cérémonie au troisième grade, le Très Respectable dit : “Très Vénérable Frère Premier Surveillant, je vous envoie le nouveau Maître, afin que vous lui enseigniez à travailler en Maître…“
Le Premier Surveillant lui fait frapper trois coups (main fermée), la batterie du premier grade sur chacune des trois portes représentées sur le tableau, à l’Orient, à l’Occident et au Midi, en tournant en sens inverse des aiguilles d’une montre.
Il est à savoir que le nouveau Maître n’est pas dans le Temple mais dans la Loge et les portes auxquelles il frappe donnent accès au Temple (c’est à dire, redisons le encore, au Maçon lui-même, en voie de transformation pour accéder au monde spirituel qui est symbolisé par le Temple)
Il passe bien dans sa circumambulation par le Nord mais se désintéresse complètement de la porte qui y figure : il est en quête de Lumière et le Nord symbolise l’obscurité, le lieu où la lumière ne parvient pas ou du moins pas assez pour nourrir la démarche d’un Maître, elle n’est là qu’une lueur propre à éclairer sans éblouir l’Apprenti. En revanche il est très révélateur que la première porte à être frappée soit celle de l’Orient. Par ce choix le Maître réaffirme le but de sa quête, la Lumière, en consacrant à cette porte son premier effort, le Maître atteste qu’il a compris où était la source de toute lumière et que c’est de là et seulement de là que viendra l’achèvement de son périple, lorsque le temps de naître à la vie véritable sera venu.
Le retour ensuite à la porte d’Occident n’est pas sanction, c’est une invitation, sans cesse présente dans toute démarche initiatique, à accepter le retour en arrière qui n’est pas une régression, mais une prise de conscience, un regard sur le chemin parcouru. D’autant qu’on sait que cette porte-ci s’est déjà ouverte pour l’initié, y frapper c’est porter un regard de Maître sur le travail fait comme Apprenti et ainsi “valider“ la décision prise de bénéficier de l’initiation ; c’est enfin de compte le moyen pour le Maître de vérifier qu’il a opéré à partir de l’initiation virtuelle donnée par la Loge une initiation réelle qui va lui donner accès au Temple.
La marche peut alors reprendre mais cette fois en ayant conscience que le passage vers la Lumière, par l’ouverture de la porte d’Orient, ne sera acquis qu’au terme de nouveaux efforts, d’un travail continu mais rendu moins pénible par la vision du but poursuivi figuré par la sortie de la tombe (on se souviendra que lors de son initiation, la lumière avait déjà été montrée au candidat) ; ce sont les coups frappés à la porte du Midi qui symbolise cette volonté de poursuivre le travail, le Midi, dont la porte elle aussi s’est déjà ouverte, reçoit le Compagnon qui construit et aussi le Maître qui trace les plans.
Comment ne pas faire le lien entre les trois portes où se présente le nouveau Maître et les trois vertus dont il devra recevoir la grâce pour poursuivre et parvenir à cet idéal : Foi, Espérance, Charité.
Conclusion :
Ce qu’affirme le grade de Maître, c’est que le Maçon, pas plus qu’un autre, n’envisage sereinement sa mort profane mais il a le privilège fondamental de savoir qu’elle ouvre des perspectives ! La Maçonnerie n’est pas une religion, elle n’annonce pas une rédemption, ne promet pas un paradis. Elle présente une suite de conditions au terme desquelles le contact avec le Divin devient possible. Certes ces conditions sont tout sauf faciles à remplir : fidélité à ses engagements, choix de la vertu, travail constant sur soi et sens du sacrifice, elles sont même si lourdes que ce n’est pas dans cette vie que l’initié peut espérer en venir à bout ; du moins a-t-il pris l’engagement d’en faire loyalement la tentative. Alors, c’est à lui et à lui seul qu’il est demandé de construire, on lui a pour cela redonné vie, par les cinq points parfaits, à chacune de ses fonctions vitales. Il s’est redressé, mis debout.
Et il s’agit désormais de ne pas dormir debout !
RF JPA/LCDP/28/04/16
740 ème article
"Trois Pas en Loge bleue"
Lire l'article de Yonnel G. en cliquant sur le lien http://www.regius-glnf.fr/article.php?id=1530
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